Chapitre 39 : in fine

Un grand et bel appartement tout blanc, où nous étions reçus dans le midi. 

Assise face à la mer : me parvenaient les clameurs et les rires des enfants,

Les miens étaient là-bas dans l’eau à s’ébrouer. 

J’étais privée de baignade, cet été-là. Je lisais la biographie d’un grand homme dont l’énergie et celle de son épouse me fascinaient. Ma vie était bien pauvrette, face aux leurs ! 


J’ai lu quelque part : 

« Si votre mission est d’être balayeur de rue, vous devez balayer les rues dans le même esprit que Michel-Ange lorsqu’il peignait ses toiles (…) Vous devez balayer les rues d’une façon tellement parfaite que chaque passant puisse dire: « Ici, c’est un grand balayeur qui a travaillé ; il a bien accompli sa tâche! » 

« Si tu ne peux être pin au sommet du coteau, sois broussaille dans la vallée, mais sois la meilleure petite broussaille au bord du ruisseau. »


Cela me rappelait Jacques, un professeur d’aquagym extraordinaire, appliqué, dynamique et drôle, qui savait faire sauter, danser, chanter et surtout rire dans le bassin des hordes de Parisiennes replètes et joyeuses. Je l’ai retrouvé avec émotion, d’une piscine à l’autre, prenant de l’âge mais toujours aussi pittoresque et tonique. 

(Si, dans son style, quelqu’un  montait un cours de danse disco pour remonter le moral des troupes de cancéreuses, ce serait un énorme progrès. J’ai rêvé de pouvoir me déhancher sur du Boney M musique à fond plutôt que de lever péniblement ma cuisse lors de monotones séances d’abdo-fessiers.) 

Je me remémorais aussi des discours de départ en retraite en l’honneur de certains professeurs qui consacrent leur vie, modestement, à leurs élèves. 


Je repris le chemin de l’école, quelques mois plus tard. Parmi les marques d’affection et d’amitié, quelques traces d’indifférence. Retrouver ma place, tandis que l’on m’assurait que ma remplaçante avait été formidable... Partager à nouveau les tables de la cantine et les conversations ordinaires. 

Dans la même journée, alterner les cours parmi les élèves aux visages riants, et les rendez-vous médicaux, dans ce lieu infernal que j’ai déjà suffisamment décrit. 

Il n’était désormais plus question qu’on m’épuise à la tâche. Que l’on me fasse fonctionner comme une fonctionnaire. 


Tempus fugit, le temps a passé.

Je suis descendue, récemment, dans le couloir de la radiothérapie et j’ai constaté avec 

joie que je ne savais plus où se trouvaient les toilettes. 


Ce même jour, j’y ai providentiellement croisé une connaissance, en début de parcours, l’air désespéré, que j’ai pu rassurer. Une nouvelle amie du gang. Une nouvelle à qui offrir un peu d’eau de Lourdes : son baptême pour entrer dans le réseau des conseils et des amitiés. 

Demain, à nouveau, je reprendrai le chemin des écoliers. En ayant eu, cette fois, mon comptant de baignades estivales. Riche, si riche ! De tout ce que j’ai vécu, pendant, et depuis ce temps-là. 

Deo gratias. 


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