Chapitre 35 : mort et figé

Tes deux seins sont comme deux cabris

Comme les jumeaux d’une gazelle. 


Je marchai gaiement dans la rue,

Allègre, comme Perrette,

J’aperçus

mon reflet dans la vitrine d’un café. 


Avant même de m’y reconnaître,

Narcisse,

Je vis

Un cabri d’un côté 


Un poids mort de l’autre.

L’un des deux seins était mort et figé. 


Viens, ma toute belle,

Viens, dans mon jardin. 


Il fait chaud. Je contiens mon impatience depuis plus de deux heures dans la salle d’attente. 

La chirurgienne-esthétique de l’hôpital me laisse enfin entrer.

Elle est froide, distante. Me demande ce que je veux.

Je lui montre mon sein « reconstruit ». Mort et figé. Mal fichu.

Il faudrait enlever l’autre, aussi, par précaution. 

Elle prend un papier, un crayon, et sur la paire de seins dessinée,

Montre tous les lieux où pourrait ressurgir le cancer. Là. Là. Là... 


Mes questions lui paraissent sottes.

Devant sa stagiaire, elle commente mon anatomie,

Baisse un peu ma culotte :

« Pas assez de ventre, pas assez de gras ».

Cela va à l’encontre de tout ce que l’on m’a appris dans la façon de respecter autrui.

Je perçois la gêne de la stagiaire. 


Debout contre le mur, de face, de profil : photos.

Telle un malfrat au commissariat.

Assise à nouveau devant son bureau, je serre les dents.

Sangloterai-je ? 

Cette chirurgienne si renommée doit avoir pris un coup de chaud. 

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