Chapitre 32 : un autre hôpital
Chapitre 32 : un autre hôpital
Gementes et flentes, in hac lacrimarum valle.
J’ai délaissé, l’été, mon hôpital,
froid,
pour un autre, dans le sud,
au premier abord plus chaleureux.
Mais ensuite, j’ai trouvé le mien plus organisé
Et celui du sud... plus fantaisiste.
Quand le doc du midi,
A la voix chaloupée,
Accueillant et plaisantin
A fini par quasi-m’engueuler
Ne sachant pas quel produit m’injecter ni quel dosage
M’assénant que ce qu’on me filait là-haut
C’était des doses de cheval
D’un produit très toxique,
Que j’ai dû rester là assise pendant + de 6 heures
A l’écouter se moquer de ma mine,
du casque froid sur mon crâne dénudé,
Et des moufles glacées
Qui le faisaient pouffer
J’ai fini par me dire que j’étais résolument une fille ... de là-haut.
Cet hôpital était magnifique.
Vaste et blanc.
Un hôpital pourtant
Inhospitalier.
Une aide-soignante malmène des patients,
De vieilles personnes.
J’ai honte de la manière dont elle s’adresse à eux. Interviendrai-je ?
Un vieil homme, excédé par sa femme devenue folle
Qui lui répète sans cesse qu’elle l’aime,
Ne cesse de la rabrouer :
«Ta gueule!»
De mon côté, on m’installe dans une pièce multicolorée où nous serons toujours trois.
Je vois défiler les cancéreuses (pendant 6h, j’ai le temps d’en voir).
Le médecin parle devant toutes de la maladie de chacune : intimité, convivialité !
J’enrage à moitié
J’ai mal au cou : le casque est horriblement lourd
J’ai mal aux jambes de rester assise
J’ai soif et on ne me propose rien à boire.
Je me retourne sans cesse pour vérifier que le produit s’écoule
Espérant constater qu’on arrive au bout de la poche.
Que c’est lent...
Il n’y a pas là que des cancers du sein.
Une femme élégante soigne un cancer du rein par immunothérapie.
Elle est belle, elle profite à fond de la vie,
Son cancer est stationnaire. Elle vient là régulièrement.
Rien de transparaît de la maladie.
Une femme sous chimio souffre terriblement des ongles, des extrémités.
Elle travaille dur dans un restaurant de la région.
Pendant son service, elle échappe au regard des clients
Pour plonger ses pieds dans une bassine d’eau qui la réconforte.
Elle pratique elle aussi l’acupuncture qui la soulage.
Les unes et les autres sont très sympathiques,
On parle bien toutes ensemble.
Celle qui me fait le plus de peine est une toute jeune femme de 19 ans,
Dont les maladies succèdent depuis l’enfance.
Elle est venue avec son copain
Apparemment pas rebuté par cette accumulation de malheurs,
Il l’écoute patiemment parler de ses troubles les plus divers,
Se plaindre un peu.
Ma compassion est immense.
Mais j’ai envie de lui souffler : « Fuis ça ! »
Une fois le traitement passé, les voilà partis
Pour la plage... Force de la jeunesse !
Enfin on m’a libérée de cet enfer blanc !
Je me suis jetée hâtivement dans la voiture
Au volant de laquelle mon mari m’attendait, dans la touffeur estivale,
Nos joyeux fistons derrière.
Par ici la sortie !
Commentaires
Enregistrer un commentaire