chapitre 29 : dans les couloirs ombragés

Dans les couloirs ombragés d’une maison d’été

Procèdent mes pieds nus sur les tomettes.

« Dieux !... Tous les dons que je devine

Viennent à moi sur ces pieds nus » 

écrit le poète.


Moi, j’ai plutôt de la peine pour celui qui partage mon lit.

Je me trouve maigre, décharnée, vieille. Couverte de cicatrices et de bleus.

Le temps me parait long. 


Long sans cheveux, long sans cils, long sans goût, long sans être heureuse d’offrir aux autres une image riante. Long sans oser donner des baisers, de ma bouche sèche et pâteuse. 


Brusque métamorphose.

Tête de Pierrot. 


De femme encore fertile, je suis passée en aménorrhée. 

Quel est mon corps maintenant ? De quoi dois-je faire le deuil ? Qu’est-ce qui changera entre lui et moi ? Qu’ai-je définitivement perdu comme sensations de femme ? 

En septembre il me faudra affronter la rentrée des classes, au summum de la laideur, quand les autres mères arboreront un bronzage parfait sur un corps resplendissant : école de pauvreté et d’humilité. 

J’ignore alors que dans quelques mois, après un tunnel automnal qui me semblera interminable, à scruter dans le miroir sur ma tête de milouf la repousse des cheveux et des cils, je reprendrai figure humaine, visage convenable, et que je me retiendrai de sauter au cou d’une autre mère de famille en turban, en ayant envie de lui crier : « Tu es belle ! Tu ne sais sans doute pas que, malgré toutes tes doses de chimio dans la tronche, tu es magnifique ! » 

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