Chapitre 17 : triple négatif

 Chapitre 17 : triple négatif


« On n’aime pas trop quand... » avait répondu la gynécologue quand je l’avais interrogée sur les résultats chi:rés de la biopsie qui dansaient sous mes yeux. 

Du haut de la plateforme de mon bahut, je découvre qu’on a vue plongeante sur le cimetière. 

Près de moi, une silhouette vêtue de noir, silhouette fine et longiligne, un bonnet type bonnet de natation sur la tête, noir, qui se marre. C’est Triple négatif. 

Pendant que j’écrivais à la craie au tableau Scio vitam esse brevem, j'entendis un énorme éclat de rire dans mon dos. C’était lui. Intervenu dans ma vie professionnelle en plein milieu du chapitre sur la médecine chez les Romains : mon chapitre préféré ! 

Mon généraliste regarde les résultats de la biopsie et s’exclame : « Ah ben c’est bien, il est hormono-dépendant ! ». Non, il ne l’est pas, vous avez mal interprété. Et donc ? C’est pas bien ? 

Hormono-dépendant, pas hormono-dépendant, on m’en avait ressassé les oreilles quand j’étais jeune : ta mère elle avait un cancer pas hormono-dépendant, mais le mien il était hormono-dépendant... (et ta mère, elle est crevée.) 

« Hormono-dépendant »: on dirait un gros nigaud qui se traîne, complètement essoufflé. 

Rapidement, je comprends qu’on parle aujourd’hui, dans mon cas, de « Triple négatif » et, après tout, c'est tout de même un nom moins couillon qu’« hormono-dépendant ». 

J’ouvre au hasard le magazine des cancéreuses. Une influenceuse évoque son cancer triple-négatif comme un cancer qu’on ne sait pas bien soigner. Je referme le magazine. 

(Au passage, je songe que les influenceuses se mettent un sacré boulet au pied pour en arriver à fournir des bulletins de santé à leur public. O tempora, o mores...) 

Je surfe sur facebook et sans que je ne demande rien, on m’envoie en pleine face le témoignage de Jessie et son cancer triple-négatif métastasique. Je referme l’ordinateur. 

Triple-négatif et moi avons pris le train pour « la pose de la chambre ». Kesako ? Du temps de ma mère, on parlait de « cathéter ».
J'étais paisible. Je suppose que je fulminais, comme d'habitude, très énervée par le comportement des autres voyageurs qui mettent leurs pieds sur les fauteuils et parlent fort dans leur smartphone, « au pire » regardent des vidéos. Pourtant je ne craignais rien de ce qui m’attendait à l’hôpital, quoique je commençais par trouver louche que mes copines passées par là m'envoient des sms de soutien. Toutefois, n’étant pas douillette, je pensais que je surmonterais ça comme une visite chez le dentiste. 

Je suis revenue avec un hématome et une formidable sensation d’avoir pris un train dans la figure, pour découvrir ensuite dans le miroir que j'avais, bien visible, une pastille reliée par un tube, lui aussi très apparent, qui remontait près de mon cou. Très seyant pour un décolleté d'été. 

Charcutée. 

Je sens encore les efforts de la jeune interne pour me remonter tout ça dans le cou, pendant que son acolyte m’interrogeait sur les détails des épreuves du baccalauréat de français, pour me distraire, j’imagine. 

En attente de ce charcutage, j’avais « patienté » assise dans un fauteuil, une comparse à mes côtés qui se faisait, elle, ôter sa « chambre ». Ses cheveux repoussaient, elle allait bien. Elle était médecin-généraliste. Elle convenait que tout ça, c’était dû à la pollution. « Enfin, conclut-elle, aujourd’hui, on les soigne très bien, les cancers du sein hormono- dépendant. Vous avez un cancer hormono-dépendant ?

-Non.
-Ah non ? mais les autres aussi, on les soigne très bien. » Soit. 


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